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« Exorcisme » : l’étrange voyage entre démons et doute de Gérald Bronner.

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Oui, Gérald Bronner, ce nom résonne dans les cercles académiques et intellectuels. Sociologue, professeur à l’Université Paris-Diderot, il a scruté les arcanes de la pensée collective, décortiqué les mécanismes de la croyance, et dévoilé les fragilités de nos esprits. Ses travaux ont éclairé les dérives sectaires, les théories du complot, et les biais cognitifs qui nous égarent. Alors, quand un homme de sa trempe se risque à l’exercice de l’écriture personnelle, c’est une surprise. Exorcisme, publié cette année en 2024, nous plonge dans les méandres de son expérience, entre analyse sociologique et confession intime. Loin des analyses distanciées dont il a l’habitude, ce livre nous plonge dans son adolescence mystique et sa fascination pour l’ésotérisme.

Le sujet du livre est donc l’itinéraire spirituel de Bronner, qui, entre 15 et 25 ans, s’est converti à un syncrétisme de croyances new age, allant jusqu’à fonder un mouvement apocalyptique à Nancy. On est surpris, étonné, curieux, amusé puis abasourdi voire franchement incrédule d’imaginer une bande de jeunes ados et adultes se convaincre mutuellement et sincèrement que Nancy est le centre du monde, que des symboles mystiques sont disséminés dans toute la ville, que des créatures étranges y rôdent.

Et pourtant on n’y croit jamais vraiment tout à fait. On ne sent pas la fièvre des réunions, des veillées jusqu’à pas d’heure, des sorties nocturnes. Tout cela paraît terrible distancé, manquant d’incarantion. C’est là que réside le principal défaut d’ « Exorcisme ». Bronner oscille constamment entre l’autobiographie et l’analyse sociologique, sans jamais vraiment s’engager dans l’une ou l’autre. On reste sur sa faim concernant ses motivations profondes, la nature de ses croyances et l’emprise qu’elles avaient sur lui.

De plus, l’auteur use d’un style souvent allusif, laissant le lecteur dans le flou sur des points importants. On aurait aimé une introspection plus fouillée, une véritable mise à nu de ses convictions passées.

Cependant, le métier de sociologue de Bronner ne l’abandonne jamais complètement. Ses observations sur les mécanismes de manipulation et d’emprise sectaire sont fines et pertinentes. Les passages sur son expérience à Grenoble, où il a expérimenté la précarité étudiante, l’éloignement et l’isolement, une histoire sentimentale bien bancale, mais aussi fait ses premiers pas dans le militantisme et la vie politique par le biais du syndicalisme étudiant, sont fort réussis.

Un autre point fort du livre réside dans la galerie de personnages fascinants que l’auteur croise sur son chemin. De Nahil, gourou charismatique, à Christian, figure christique tragique, Bronner nous offre un portrait saisissant de la complexité de l’âme humaine. Là aussi, il y a un goût de trop peu. On aurait aimé sentir vraiment le charisme de Nahil, ou la force vitale de Christian.

En fin de compte, « Exorcisme » est un livre étrange, presque plus intéressant lorsqu’on en entend l’auteur en parler dans des interviews (comme dans les Matins de France Culture) que lorsqu’on le lit. On a l’impression d’avoir affaire à deux livres distincts : un récit personnel poignant et une analyse sociologique pertinente. Dommage que Bronner n’ait pas réussi à les fusionner en un seul ouvrage cohérent et captivant.

Impressions et lignes claires : un livre de circonstances

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Rarement un titre aura aussi bien résumé un livre, chose rare dans la sous-catégorie du « livre politique », où l’on a plutôt droit à des slogans (« Révolution »), des formules vagues (« La France pour la vie ») ou des citations inspirantes (« C’est en allant vers la mer »…, les aficionados de Jaurès et Fabius auront bien sûr complété par « que le fleuve est fidèle à sa source » !).


Edouard Philippe et Gilles Boyer surprennent déjà en utilisant ce « nous » pendant tout le livre, qui ne cesse d’étonner voire de gêner. Qui parle vraiment ? Qui est ce nous ? On sait bien que les 2 compères ont déjà écrit ensemble et que cela nécessite une communion de points de vue parfois délicate; mais après 3 ans de mandat de premier ministre, fallait-il vraiment revenir à ce collectif ? N’est-ce pas une manière de noyer des points de vue parfois tranchés derrière un écran de fumée ? Ou au contraire de montrer l’extrême modestie et humilité d’un ancien Premier Ministre qui continue à écrire en duo..?

Admettons quand même. Le livre revient en partie sur des « impressions », moments forts de la période Matignon des auteurs, dont certains paraissent déjà si lointains, et qui ont un fumet de plaidoyer pro domo plus que distinct. Ainsi, les considérations sur Notre Dame des Landes, si elles passionneront peut-être les historiens politiques et les spécialistes de la décision publique, sont un peu hors sujet et on avait oublié que c’était un dossier qui avait été tranché, après quelques dizaines d’années, au début du mandat.


Paradoxalement, on appréciera aussi que le livre reste fidèle à la ligne conduite des 2 compères, à savoir de ne pas restituer les échanges avec le Président de la République. Les amateurs de confidences, de ragots politiques et de bruits de couloir seront déçus; mais c’est chose suffisamment rare que d’avoir une certaine idée de la dignité en politique pour qu’on la souligne avec joie, même si en conséquence le livre manque de croustillance.


Enfin, c’est sur les « lignes claires », c’est à dire la défense de certains points de vues ou idées, que le livre est le plus convaincant. La première et la plus importante étant le défense de la fonction de Premier Ministre – le contraire aurait étonné, mais l’argumentation est belle et forte, et mérite d’être entendue.


Au global, comme tous les livres politiques ou presque, c’est un livre de circonstances, fait pour peser dans les débats du moment, pour marquer un positionnement, pour justifier un plan media et une tournée des librairies de provinces; il ne fera cependant pas date, notamment en raison de sa composition de bric et de broc où manque une ligne directrice, une structure claire, ce qui ne semble pas avoir été le souci des auteurs.


Comme par un fait exprès, sort aujourd’hui dans Le Monde cet article sur la vague des livres politiques, à attendre dans cette année électorale… https://www.lemonde.fr/livres/article/2021/05/30/l-art-de-publier-des-livres-politiques_6082076_3260.html

Jérôme Fourquet, L’archipel français : un prix du livre politique de l’année mérité

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Mais quel plaisir de lire cet ‘archipel français », qui n’a pas volé son prix de livre politique de l’année !9782021406023-200x303-1

Dans une prose à la fois agréable, érudite et – très – documentée, Jérôme Fourquet, directeur des études de l’IFOP, déroule ses faits, explique ses thèses, détaille ses points de vue, et arrive à aligner un nombre impressionnant d’observations judicieuses et d’analyses éclairées.

La première partie, qui s’attarde sur l’éclatement de la matrice catholique de la France, et par la même de sa structure unifiante, démarre de manière un peu convenue, mais il arrive à trouver des angles originaux (l’analyse des prénoms, les durées de mariages, le déroulement fin, à l’année près, des modifications de l’opinion sur les sujets de société) qui donne une vraie force et une vraie profondeur à son propos.

Dans la 2ème partie, celle où il décrit « l’archipelisation » de la société française, il fait aussi feu de tout bois, et remporte souvent le point en agglomérant des faits variés qui font tout à coup sens. On remarque souvent la qualité d’un livre au fait que, dans les jours et semaines qui suivent, on en cite souvent telle ou telle partie. Je passe mon temps ces derniers jours à parler de la « prime au cartable » près des lycées prestigieux, de sa sortie assez drôle sur la courbe du prénom « Marie Chantal », ou encore sur la vogue du prénom Hamza à partir des années 2000.

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Dans la 3ème partie, il s’attarde à appliquer ces constats à une géographie électorale ; et là aussi son sens du détail et de l’analyse fine font merveille. L’impact de l’histoire du vignoble de Hérault, l’analyse détaillée du vote de la Sarthe ou encore la décortication de la « mosaïque » alsacienne » sont un bonheur d’analyse politique et éclairante.

Évidemment, on peut toujours trouver à redire sur tel ou tel point. Sa recension de faits divers dans l’analyse de certains quartiers sensibles me semble méthodologiquement légère ; ou son développement sur le poids de l’économie parallèle liée à la drogue (même si ses points statistiques sur le cannabis qui remplace le vin dans les jeunes générations est assez frappant).

Comme souvent dans ce genre d’exercice, on peut aussi regretter que le propos, certes brillant, s’arrête au constat et à l’analyse ; et que l’auteur n’aborde pas, ou très timidement, des pistes de prospectives ou de propositions d’action.

Au final, malgré une pagination généreuse et des chapitres qui peuvent sembler un peu long, on se laisse embarquer par sa verve, on se surprend à se passionner pour la carte électoral du « Calvados utile », et l’on se sent mieux armé à comprendre la France d’aujourd’hui – et de demain ? – après avoir fermé le livre.

Vieux renards et jeunes loups, Frédéric Métézeau : un pot pourri de belles découvertes

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Quand on est un (encore) (relativement) jeune journaliste politique, on assoit sa carrière et sa notoriété par un livre politique. Au pire des cas, on sera repris vaguement par la presse et par ses pairs, au mieux on pourra rencontrer un gentil succès public, faire quelques plateaux de chaînes d’info en continu, des dédicaces dans les grandes librairies, et renforcer sa crédibilité professionnelle.

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Mais comment faire un livre dont on parle (au moins un peu) ? Un classique du genre, c’est le livre de portraits politiques. Pas trop compliqué à construire, pas besoin d’un angle ultra original, ni de mois d’enquêtes. Juste de quelques rendez-vous avec les uns, les autres et leurs entourages. Pas mal de rendez-vous, en fait. Même énormément. Mais rien que de très normal si vous êtes journaliste politique en fait.

Le sel de ce livre, c’est à la fois de faire des portraits piquants des figures connues (Mélenchon, Wauquiez, Bayrou…), mais aussi de dénicher des figures secondaires, dont avec un peu de chance certaines deviendront connues dans les mois à venir, et dont on pourra se souvenir d’avoir lu dans le livre le premier portrait un peu fouillé. Et à vrai dire, je n’avais jamais lu grand chose sur Brune Poirson ou Aurélien Pradié. On peut corser le tout en faisant aussi des portraits croisés, et Frédéric Métézeau prend un malicieux plaisir à utiliser cette figure : Valérie Pécresse et Xavier Bertrand; Marine Le Pen et Marion Maréchal; François Ruffin et Adrien Quatennens.

Le ton est souvent bonhomme, un peu dans la confidence mais pas très acide. Il s’autorise parfois quelques conclusions définitives, comme celle sur Benoît Hamon (« S’il est élu [aux Européennes], il conservera une chance d’être un acteur de la refonte de la gauche. Dans le cas contraire, la boutique risque la banqueroute »), ou quelques portraits en demi teinte, comme celui de Boris Vallaud qu’on découvre dans ce livre. Et puis, déjà, le livre, imprimé en janvier, est dépassé par l’actualité, et le portrait de Virginie Calmels peut se lire comme un chant du cygne de celle qui depuis a acté son retrait de la vie politique, ou encore celui d’Amélie de Montchalin, qui prend clairement l’avantage (pour l’instant) sur ses collègues de portrait groupé Aurore Bergé et Brune Poirson.

Au final, Métézeau nous fait découvrir avec empathie et parfois un poil de vacherie les figures montantes de la scène politique française, et ces portraits de jeunes loups sont bien plus intéressants que ceux des vieux renards, stars un peu convenus. Une belle découverte.

No society, Christophe Guilluy : irritant, et pourtant…

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Que les livres de Christophe Guilluy sont irritants ! Ils sont écrits à la serpe, plein de répétitions, d’un style peu agréable, on dirait souvent une conférence simplement transcrite.
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Les mêmes sources sont répétées maintes fois et se retrouvent de chapitre en chapitre.  Les mêmes idées sont répétées, assénées, presque scandées, et manquent de développement, de chair, d’analyse fine, de discussion critique, de mise en perspective, de contextualisation historique. Les sauts d’une idée à l’autre ou les rapprochements sont souvent contestables, parfois sans fondement, ou anecdotiques. Les contradictions ne sont pas rares, et la méthodologie n’est pas forcément irréprochable (au moins dans l’explication). Et parfois, on frise le hors sujet, comme cette 3ème partie sur un prétendu « soft power » des classes moyennes, qui n’est en fait que l’expression possible du vote de celle-ci, si j’ai bien suivi. Et au delà d’un diagnostic à la serpe, aucune ouverture concrète, aucune piste d’amélioration, on reste dans l’imprécation pure et simple.
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Et pourtant, et pourtant, et pourtant, je me prends à acheter et lire d’une traite ce livre, comme les 2 précédents. Parce qu’il exprime avec force, vigueur et conviction un point de vue dissonnant. Parce qu’il l’argumente de manière discutable mais fondée et du moins qui crée le débat et alimente la réflexion. Parce que certains de ses raccourcis sont saisissants, inspirants, d’une vraie force. Parce qu’il attire notre attention sur des sujets, des débats, qui ne sont pas souvent abordés et qu’il pré-empte avec un certain bonheur. Parce qu’il a parfois le don de la formule qui fait mouche, de l’expression qui marque, du raccourci qui éclaircit et qui reste longtemps en tête.
Après, on a toujours l’impression qu’il manque une 3ème partie à ses livres : le « que fait-on ? ». C’est déjà bien de poser un constat, d’en donner des exemples, de le fouiller un peu, d’en expliquer les racines et les conséquences. Mais on aurait quand même envie de savoir ce que Christophe Guilluy en pense vraiment, ce qu’il recommande, comment il envisage des actions possibles; et pour le dire clairement comment lui se positionne en tant qu’auteur et intellectuel, qui lui semble à même d’apporter une réponse adaptée, quelle politique pourrait contribuer à résoudre les problématiques qu’il décrit.
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Depuis quelques jours, Guilluy intervient dans les médias sur le thème « les gilets jaunes, c’est la France périphérique qui s’exprime enfin ». Force est de reconnaître une certaine cohérence entre les gilets jaunes et ses analyses; et là encore il a des formules qui font mouche : « Je crois qu’il y a une vraie incompréhension, presque culturelle. On ne parle quasiment plus la même langue. Nous sommes vraiment dans une rupture. Il y a une sorte d’incapacité à voir que le monde ne se limite pas aux grandes métropoles mondialisées ». Irritant peut-être, mais quand même pertinent…

Nathalie Nieson, « La députée du coin » : le « parler vrai » a ses limites

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Dans la toujours excellente collection « Raconter la vie » des éditions du Seuil, (dont j’avais déjà chroniqué ici « Marchands de travail », le volume consacré aux agences d’intérim) je ne pouvais pas rater ce tome, sorti en septembre dernier, avec un titre plaisamment accrocheur :

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On connaît le concept : des ouvrages courts, des témoignages de première main, axés sur la vie quotidienne, le monde du travail, avec l’ambition simple et folle de faire « le roman vrai de la société française ».

Nathalie Nieson joue le jeu et nous raconte son quotidien de députée de base, inconnue du ram dam médiatique, obscure figurante de la Commission des Lois puis de la Commission de la défense. Elle nous parle aussi de sa vie de maire de Bourg-de-Péage (10 000 habitants dans le Vaucluse), comment elle en est arrivée là, quel a été son parcours de vie. Toutes choses qui me parlent forcément.

Et la députée sonne juste sur certains sujets, en nous racontant de l’intérieur la vie d’un groupe, le travail en commission, les nuits au Palais Bourbon et le clic clac qui lui sert de chambre d’hôtel dans son bureau. Elle nous confirme que l’essence du travail parlementaire (90% d’après elle) se passe dans ces réunions, ces discussions, ces négociations parfois ardues mais entre députés informés et actifs. Le reste n’étant que cirque médiatique, et postures obligées (et un peu vaines). Les côtés pratiques, comme l’importance d’avoir un voisin avec qui on s’entend, ou la négociation du bâtiment dans lequel se situe son bureau, sont tout à fait piquants 🙂

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Mais au global, l’impression que laisse le livre est mitigée. L’histoire que raconte Nathalie Nieson est trop belle pour être vraie, ou pour être totalement sincère. En 4 ans à Paris, elle n’a quasiment jamais eu le temps de visiter la ville ou de faire une sortie ? Elle a bien eu tort et n’a pas rempli sa mission…Autre sujet douteux, la gentille députée maire du coin est aussi première fédérale du PS de son département; on imagine qu’elle n’y est pas arrivée qu’à coups de bises et de tractages sur les marchés; les « contes de fée électoraux » n’existent pas. Mais de cela elle ne parle pas non plus, du « métier » de la politique. D’autres points paraissent surprenants, son refus d’un poste de vice présidente de la région quand elle était simple maire (pourquoi ?), son intégration dans l’exécutif de la Communauté d’Agglo de Valence. Ou plus précisément, on sent qu’il y a là des choses passionnantes, mais pas forcément simples ou reluisantes; bref qu’on entrerait dans la complexité de la réalité des choses, et qu’elle s’y refuse. Le format court, trop court du livre n’y est peut-être pas étranger.

Néanmoins, au global, on a l’impression de lire un publi reportage ou un plaidoyer pro domo d’une députée qui sait qu’elle ne pourra pas rempiler en 2017 car elle a fait le choix de son mandat municipal, et qui en profite pour dresser un portrait flatteur et un peu complaisant de son expérience parlementaire. Le parler vrai s’arrête un peu trop vite. Dommage.

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Le négationnisme économique, Cahuc et Zylberberg : un pamphlet salutaire

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Oui, le titre du dernier ouvrage des duettistes Cahuc et Zylberberg est choquant, outrancier, injustifié, peu élégant, inutilement provocant et attise la polémique.

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Oui, c’est un plaidoyer pro domo manquant de subtilité contre les économistes alter, attérrés, hétérodoxes, non mainstram.

Oui, sa foi d’une naïveté presque confondante dans la méthode scientifique appliquée à l’économie est troublante; alors qu’un peu de prise de distance ou tout simplement de mesure aurait pu aider à faire passer son message

Oui, c’est écrit à la serpe, et même pour un essai d’économie c’est quand même très lourd, parfois redondant, ressassant les mêmes thèmes sur une durée pourtant courte.

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Et pourtant, je l’ai lu en quelques heures, j’ai été emporté par cette plume alerte, par cette soif de conviction, par cette envie de prouver à tous, et à vrai dire parfois par cette mauvaise foi dont Cahuc et Zylberberg font preuve.

Dans leur vision parfois schématique des dernières avancées de l’économie, les 2 auteurs marquent quand même des points, assez souvent même.

Par exemple en soulignant que l’économie n’est pas qu’affaire d’opinion, et qu’à un moment elle doit se confronter avec le réel; et que ceux qui ne le font pas sont suspects à bien des égards.

Ou encore en rappelant que des études corroborées par de nombreuses autres études, auteurs, avec des données vérifiables, ont plus de valeur que des rapports de hauts fonctionnaires ou de grands patrons, aussi prestigieux soient-ils.

Enfin, en rappelant que l’économie n’est pas une discipline inamovible, mais que le formidable bond en avant des méthodes quantitatives et mathématiques doit être intégré en tant qu’apport majeur; et pas comme une curiosité méthodologique.

Néanmoins, et ça doit être mon côté centriste, je suis persuadé que le message serait tout aussi bien passé avec un titre moins choc, avec des phrases moins abruptes, et avec un peu plus de thèses développées et un peu moins de slogans pour chaîne d’info en continu.

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Hits ! de John Seabrook : Vous n’écouterez plus la radio comme avant…

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Quand on s’intéresse sérieusement à des sujets légers, bien souvent on arrive à des enseignements on ne peut plus sérieux.

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C’est un peu la leçon que je retiens de ce passionnant « Hits!, enquête sur la fabrique des tubes planétaires », beau travail d’enquête de John Seabrook sur la manière dont les hits  d’aujourd’hui sont élaborés. On avait pu en lire quelques extraits dans la revue Audimat, et l’ensemble qui paraît ce mois-ci est réellement passionnant.

Ceux qui croyaient naïvement que Rihanna écrivait elle-même ses chansons avec un ou 2 auteurs dans une chambre d’hôtel les soirs de tournée (y en avait-il vraiment ?) vont être bien surpris d’apprendre que ça ne se passe plus DU TOUT comme ça. Au contraire, ce sont de véritables « séminaires » convoqués par la maison de disque avec la crème de l’écriture et de la production actuelle qui sont mis en oeuvre pour obtenir les albums de la star en question.

Plus encore, on découvre que l’industrie est maintenant aux mains des producteurs, et que les plus talentueux d’entre eux viennent souvent de Suède, et que le plus doué des plus doués, Max Martin, est au top depuis plus de 25 ans et qu’on lui doit certains des plus gros cartons des hit parades de ces dernières années, en démarrant par Ace of Base dans les années 90, bien sûr avec Britney Spears, et il a encore réussi à aligner 2 n°1 dans les 12 derniers mois (le « I can’t feel my face » de The Weeknd, et le « Can’t stop de the feeling » de Justin Timberlake, excusez du peu…).

Mais au delà des anecdotes, souvent savoureuses, et des portraits de personnages touchants et hauts en couleur, le livre de XX XX nous mène aussi sur des chemins de réflexion, sur la permanence des méthodes de l’industrie du disque, sur son indépassable soif de nouveauté, sur les raisons qui nous font aimer une chanson (la règle des 3 écoutes…) ; il nous laisse aussi quelques os à ronger comme la K-pop et les raisons de son insuccès en Occident; et la différence parfois ténue entre les chanteuses qui contribuent à la création de ces hits, et les stars qui les interprètent…

Un documentaire passionnant, qui fourmille d’informations exclusives, d’anectodes croustillantes, et après la lecture duquel vous n’écouterez plus la radio comme avant… Chapeau, John Seabrook !

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On achève bien les jeunes, Bernard Spitz

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Le parcours de Bernard Spitz est atypique et attachant. Entre haute fonction publique, entreprise privée, auteur d’une bonne dizaine de livres, membre de plusieurs think tanks et bureau du MEDEF, il aime à joindre les univers éloignés et s’avère volontiers iconoclaste.

Dans son dernier ouvrage sorti l’an dernier, « On achève bien les jeunes » (il a aussi l’art du titre…), il dresse un tableau sans complaisance, avec une verve toute pamphlétaire pour être honnête, de la situation des jeunes dans  notre pays. Il y développe la thèse, à vrai dire largement connue, de la captation des ressources et des richesses du pays par les baby boomers, et d’une jeunesse tenue pour partie négligeable par le reste du pays.

Ce qui est plus original, et donc plus inquiétant, c’est qu’il met des chiffres en face de cela, qu’il explique les évolutions, qu’il décrit la mise en place de mécaniques infernales; et aussi – vertu assez rare pour qu’on la signale -, qu’il se réfère assez régulièrement aux performances des pays voisins pour étalonner la (faible) réussite de la France sur certaines sujets. Il y a presque un côté moral d’ailleurs, dans son explication des raisons pour lesquelles un pays qui ne fait pas confiance et qui ne se mobilise pas pour sa jeunesse se condamne lui-même au déclin.

Il ne fait pas l’économie de raccourcis un peu rapides, de considérations parfois à la limite du café du commerce (la stigmatisation de l’université, l’enseignement prétendument non chronologique de l’histoire…); ce qu’on lui pardonne bien volontiers car il ne prétend pas faire oeuvre scientifique mais plutôt d’humeur; et qu’a contrario, il met aussi le doigt sur certains sujets dont on parle finalement peu, par exemple son analyse de l’inutilité du « traitement social du chômage des jeunes ».

Il propose aussi bien sûr des pistes de redressement, autour de 4 thèmes : la réforme du marché du travail, la réforme des savoirs, la réforme des comptes publics et sociaux, et la réforme de la citoyenneté. Pour être un peu au fait de ces différents sujets, et notamment du 2ème qui traite de la formation des jeunes, la lecture de ces quelques pages m’a fait un bien fou, car cela m’a permis de prendre un peu de recul sur une pratique d’initié, de remettre dans une perspective d’ensemble les difficultés du système de formation français, d’avoir des pistes de changement. Cela ne rend pas les choses forcément facile, mais c’est toujours agréable de constater que d’autres font des constats similaires et cherchent encore et toujours à y remédier.

Evidemment, tout cela est d’inspiration très libérale, même si certaines propositions (l’abaissement de l’âge du vote pour certaines élections par exemple, ou la cérémonie de 1er vote) m’ont surpris et m’ont après réflexion semblé plus pertinentes que je ne le pensais.

Qu’on soit d’accord ou pas avec les solutions proposées, c’est en tout cas une lecture stimulante, un constat sans concessions, et une vraie stimulation du débat que propose Bernard Spitz. On peut aussi regretter qu’un an après la sortie de ce livre, le débat public se soit orienté sur bien d’autres sujets et qu’il soit à craindre que le sort des jeunes ne soit pas au coeur de la prochaine campagne présidentielle.

 

Pourquoi Byzance ? Une plongée fascinante dans 11 siècles d’histoire

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Difficile parfois d’expliquer pourquoi un sujet nous intéresse. Mais après quelques minutes écoutées sur France Culture, où l’auteur Michel Kaplan décrivait le sac de Constantinople par les Croisés, une page de l’histoire totalement méconnue, et rendue follement vivante et instructive, je n’avais qu’une hâte : m’initier à l’histoire byzantine en  lisant son (gros) livre.

Pourquoi Byzance

C’est un voyage que je n’ai pas regretté. Du genre de ceux dont on se demande après pourquoi on ne les a pas fait plus tôt; ou pourquoi l’histoire de Byzance est si peu présente en France.Et pourtant, pendant onze siècles (!), les aventures, les retournements de sort, les personnages marquants, les événements historiques ont été innombrables.

Je n’essaierai même pas ici de faire un vague résumé des 370 pages, déjà fort denses, qui couvrent cette période. Je préfère souligner les qualités du livre, qui permet de saisir l’histoire de l’Empire des Romains (comme il s’appelle lui-même…), à la fois dans sa logique propre, en saisissant les forces et les tensions qui le traversent, mais aussi en le resituant dans son environnement, entre les royaumes d’Occident, les poussées arabes et turques, les soubresaut de l’Europe Orientale…

Michel Kaplan

L’auteur, Michel Kaplan

Une place particulière est bien entendu réservée aux questions religieuses, mais finalement pas tant que le fameux « grand schisme » dont on apprend qu’il n’a pas été du tout vécu comme tel par ses contemporains, que plutôt comme une donnée politique et sociale parmi d’autres. Les pages sur les débats théologiques entre iconodoules et iconoclastes (oui, on augmente aussi son vocabulaire grâce à Michel Kaplan…) sont fascinantes à la fois parce que le sujet est très éloigné de nous, et que la passion voire la fureur qu’il entraîne sont terriblement actuelles…

Kaplan est aussi soucieux de nous faire sentir les raisons qui expliquent l’exceptionnelle longévité de l’Empire, et en premier lieu sans doute les questions de gouvernance, d’organisation de l’administration, de modification régulière des structures et de la place trouvée par le droit et la justice.

Une plongée fascinante dans une histoire méconnue, une épopée enivrante, et bien sûr tant de leçons pour aujourd’hui aussi

 

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