Il y a maintenant une semaine sortait un nouveau quotidien, événement suffisamment rare pour qu’on en parle et qu’on revienne dessus.
Le modèle choisi par Nicolas Beytout, ancien directeur du Figaro et ancien directeur de la rédaction des Echos, est un hybride web + papier. Son raisonnement est assez convaincant sur le fait que, même pour les quotidiens les plus avancés sur le web, le papier représentent encore 80% de la diffusion, un chiffre d’affaires plus que substantiel et (à demi mots) des rentrées publicitaires sans commune mesure avec celles du web.
Il annonce un modèle rentable à 50000 abonnés dans 2 ou 3 ans, et un besoin de financement de 40 M€. Quand même. En tout cas, bonne chance à lui.
Sur le fond, Beytout, fidèle à lui-même, met en avant un positionnement « libéral, européen, pro-business » (dont on pourrait gloser sur le fait qu’au fond, il s’agit de 3 synonymes) et uniquement sur les sujets Politique / International / Economie. Mais cela a tout l’air d’être un positionnement marketing, un effet d’annonce.
Ce qui me semble plus intéressant, c’est le recrutement que Beytout a opéré. Concrètement, il a sorti son carnet de chèques et a débauché des journalistes seniors de la place de Paris, certains en poste, d’autres pas. Il indique leur avoir tenu un discours du genre « arrêtez de gérer les états de vos équipes, les notes de frais ; venez chez moi faire le métier que vous aimez faire et uniquement cela ; et vous serez en plus bien payés ». Intéressant comme technique de recrutement J
Et qu’est-ce que cela donne sur le papier ?
Des 2 numéros que j’ai lu (le 1 et le 2…), la promesse est tenue, mais il me semble qu’elle est un peu courte.
La promesse est tenue au sens où l’on a en effet à faire à des articles sérieux, documentés, charpentés, bien écrits, qui ont le sens du contexte, de la formulation ; avec quelques « petits » scoops (la future cellule de rapatriement des exilés fiscaux…) qui prouvent que les journalistes ont leurs entrées dans les « milieux autorisés ». On apprécie aussi la signature des articles par le compte Twitter des journalistes, jolie invitation au débat et à l’échange.
Quelques petites fautes de goût aussi, comme ce « 30 décideurs donnent leur priorité sur la France », sans grand intérêt ; ou le portrait de René Ricol, inutilement flatteur. Quant à la promesse de débat ou d’échange, quelques tweets échangés sur le sujet et avec 2 journalistes cités m’indiquent que cette promesse n’est pas mensongère, mais qu’elle est encore grandement à développer et à améliorer.
On remarquera aussi l’absence quasi-totale d’infographie, alors qu’il me semble que c’est une tendance forte, lourde et pertinente de la presse actuelle.
La promesse est néanmoins un peu courte, car finalement, les articles que j’ai le plus appréciés auraient pu se retrouver, dans la forme comme dans le style, dans les pages équivalentes du Monde ou du Figaro ; où pour un prix équivalent j’aurais aussi eu l’ensemble des domaines couverts, une mise en page un peu plus sexy, de l’infographie, des photos, etc.
La valeur ajoutée attendue de l’interactivité et du débat n’est pas encore présente ; péché de lancement peut-être, ou réelle incapacité à aborder ce sujet ?
En conclusion : le projet est intéressant, le pari est osé mais sensé et je souhaite qu’il réussisse ; je pense le suivre de loin en loin selon les unes, les articles et les thèmes abordés, mais dans les circonstances actuelles la valeur ajoutée par rapport aux quotidiens existants ne me paraît pas suffisante pour justifier d’un abonnement à 21 €.