En Amazonie, Jean-Baptiste Malet

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Jeune journaliste de 26 ans, Jean-Baptiste Malet s’est fait embaucher comme intérimaire lors de fêtes de fin d’année 2012 dans l’entrepôt Amazon de Montélimar. Désireux de percer la chape de plomb qu’Amazon met sur ses activités, il « s’infiltre » donc dans « le meilleur des mondes » et nous livre ici son témoignage.

C’est peu de dire que cet essai n’est pas de grande qualité. Dès les premières lignes, on s’étonne des tentatives pseudo poétiques de description de ce qui est avant tout un essai :  « Du ciel de tôle pendent des fils électriques, comme des lianes, pour que brûlent dans l’entrepôt de parfaites rangées de puissants soleils artificiels ».

Mais le cœur du livre, relatant l’expérience de l’auteur, se révèle être une succession de truismes, d’une naïveté parfois confondantes, ou parfois si peu fouillés qu’ils nous semblent plus tenir du café du commerce que du travail journalistique sérieux. Nous aurons droit ainsi successivement à :

. les entreprises recrutent des saisonniers

. les entreprises prennent des intérimaires plutôt que des CDIs

. le travail de nuit, c’est fatigant

. employé logistique, c’est pas passionnant

. Amazon amadoue ses employés en leur offrant des activités gratuites

. Amazon vend des livres d’opinion différentes ( ! – sans doute la page la plus hallucinante).

. les employeurs n’aiment pas les syndicats

. les managers surveillent les activités des employés

. si tu n’est pas performant, tu risques d’être viré

. les employés sont fouillés à la sortie

. il y a une crise en France et les gens sont prêts à accepter des conditions de travail difficiles pour pouvoir travailler.

On se demande dans quel monde vivait Jean-Baptiste Malet jusqu’à présent pour livrer de telles « découvertes » dans son livre.  Il ne fait que nous décrire ce que sont les conditions de travail de millions de français aujourd’hui, et ce sans aucun secret.

Plus gênant encore, certains raisonnements du livre sont soit hautement contestables, soit font preuve d’un manque évident de recherches sur le sujet. Ainsi, les chiffres du syndicat des libraires qui, étonnamment, montre qu’Amazon détruit des emplois. Amazon ou le syndicat des e- commerçants n’avaient ils pas des chiffres à mettre en perspective ? La recherche forcenée de productivité toujours croissante, qui apparaît absurde, trouve sa réponse quelques chapitres plus loin, où l’on apprend qu’un bon « picker » doit atteindre un rythme de 120 à 130 articles par heure. En gros, Amazon cherche des employés efficaces et productifs, no big deal…

Que penser enfin d’un livre qui conclut un chapitre sur cette sentence définitive : « Ce boulot chez Amazon, c’est vraiment de la merde ». Piètre considération de ses collègues de quelques semaines. Et sans doute manque d’appréhension fine des qualités intrinsèques d’un travail sûrement pas si simpliste que ça. On aurait aimé en savoir plus sur les stratégies d’amélioration de la productivité, sur les trucs techniques que trouvent les employés pour rendre leur travail plus aisé, bref une lecture un peu plus complexe que la simple retranscription de propos de salle de pause.

En revanche, la question économique (faut-il subventionner ces emplois ? autoriser ces implantations ? sinon on fait quoi ?) est à peine abordée, alors qu’elle méritait sans doute des développements beaucoup plus fournis.

Au global, à part quelques anecdotes savoureuses et la divulgation des anglicismes utilisés, on a l’impression que Malet est complètement passé  à côté de son sujet. La simple retranscription de cahier est trop juste, on attendait vraiment plus d’un livre dédié à cette expérience. Grosse déception.

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Une réponse "

  1. Ton article est très intéressant ! Je ne l’ai pas lu mais je projette de le faire. Je pense qu’Amazon détruit des emplois dans le milieu du livre indirectement. Car les lecteurs achètent de moins en moins leurs livres en librairie, notamment parce qu’Amazon offre les frais de transport. C’est un vrai problème qui ne semble pas forcément abordé dans cet essai.
    Et par rapport aux conditions de travail, c’est alarmant de considérer certaines dénonciations comme courantes, de les banaliser, comme la surveillance des salariés. J’ai l’âge du journaliste en question, donc je ne sais pas comment c’était “avant”, mais je suis choquée par la pression qu’on met aux salariés, le manque de confiance et le mal-être assez répandu au travail.

    Réponse

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